Les jours heureux


« Gabriel Pierné (1863-1937), Marcel Tournier (1879-1951), Joseph Jongen (1873-1953), Jean Absil (1893-1974) : équitablement partagé entre compositeursfrançais et belges wallons, le programme présenté à Saintes est en totalité constitué des pièces écrites entre 1923 et 1939, toutes à l’intention du Quintetteinstrumental de Paris. Un matériau d’une grande cohérence esthétique, que les cinq jeunes musiciens utiliseront d’ailleurs très bientôt (1) pour « Les JoursHeureux » ; un concert scénarisé sur le thème de l’entre-deux-guerres, entre insouciance des Années folles et montée des périls (à Saintes, quelques textessignés Thomas Mann, Charles Trenet ou Barbara, dits par les musiciens, donnent un avant-goût de ce qu’ils offriront bientôt). »
— Alain Cochard pour concertclassic.com, festival de Saintes, Août 2022

Contexte

Ce concert mis en scène nous plonge dans l’entre-deux guerres vécue par cinq musiciens. A travers les œuvres musicales et les archives radiophoniques, nous traversons en compagnie du quintette le début des années folles, la montée du fascisme en Italie puis en Allemagne jusqu’au début de la guerre. Les personnages, d’horizons divers, vivent dans un Paris où les arts fleurissent. Ils sont tour à tour rattrapés par les événements extérieurs qui les sortent brutalement de leur confort et les poussent à se réfugier dans la musique. A la fin, le quintette est contraint par les sirènes du couvre-feu d’annuler la représentation prévue.

Face à la pandémie mondiale, aux renforcements des nationalismes en Europe et à la guerre en Ukraine, Les Jours Heureux est un appel à sortir de l’indifférence, une mobilisation active pour la paix et pour le dialogue entre les peuples pour dépasser les conflits qui nous guettent et les catastrophes à venir.

Note de programme

Le nom du groupe fait référence au poème éponyme écrit par Arthur Rimbaud en 1871. Jeune poète, Rimbaud bouleverse le paysage poétique français avec une œuvre radicale, étroitement liée à sa fulgurante trajectoire personnelle. Avec le décalage temporel propre à son art, Claude Debussy définit 40 ans plus tard une nouvelle esthétique de la musique de chambre française, notamment avec sa Sonate en Trio pour flûte, alto et harpe de 1915.

Les premiers interprètes de ce chef d’œuvre imaginent alors une formation nouvelle associant la flûte et la harpe au trio à cordes. Le Quintette Instrumental de Paris, qui deviendra le Quintette Pierre Jamet du nom de son illustre harpiste, sera l’ambassadeur de l’esthétique française à l’international pendant près de quarante années de tournées, et un acteur majeur de la création musicale à travers ses nombreuses commandes et enregistrements.

Elève de César Franck et lauréat du Grand Prix de Rome, Gabriel Pierné profite de sa renommée pour diffuser les oeuvres de ses contemporains. Il dirige notamment l’Oiseau de Feu d’Igor Stravinsky à Paris, et crée la suite de Protée de Darius Milhaud, qui fut à l’origine d’un véritable scandale. Sa riche production de musique de chambre s’inscrit dans la lignée de Massenet et de Franck.

30 ans plus tard, le jeune Jean Absil issu de l’enseignement post-romantique se tourne résolument vers l’Avant-garde qu’il découvre à Bruxelles avec le Quatuor Pro Arte. Compositeur rigoureux, curieux de toutes les tendances nouvelles dans l'art du son, Absil réunit en une synthèse l'École française, Stravinski, Bartók, ainsi que les musiques polytonale, atonale et sérielle.

Marcel Tournier découvre la harpe à 16 ans, ce qui ne l’empêchera pas d’accéder à l’orchestre de l’Opéra de Paris et d’enseigner au conservatoire de Paris jusqu’en 1948. Les 4 miniatures qui composent sa Suite op.34 résument la créativité et l’art de l’instrumentation qui lui vaudront également le Grand Prix de Rome.

Le programme Les Jours Heureux se tourne vers les débuts du quintette instrumental de Paris avec la pièce maitresse de Joseph Jongen écrite en 1923, première pièce de l’histoire à avoir été écrite pour quintette instrumental. Dédié au harpiste Marcel Grandjany, le Concert à cinq op.71 affirme le lyrisme propre au courant post-romantique. Particulièrement appréciée, l’œuvre sera jouée près de 800 fois au cours de la carrière du quintette instrumental de Paris.


« Un concert admirable, dans le cadre inattendu — et l’acoustique remarquable — du haras de Saintes : à l’enthousiasme d’un public conquis par ladécouverte de trésors méconnus, Le Bateau ivre répond avec le mouvement initial (Assez animé) du chef d’oeuvre auquel il doit tant : le Quintette de JeanCras. »
— Alain Cochard